La génération Y continuera de démissionner tant que l’on sera incapable de faire le bon diagnostic et réorganiser le travail de façon à s’adapter aux modes de vies d’aujourd’hui.
Née dans les années 80, la génération Y est réputée difficile à manager, à rester concentrée, accusée d’être instable, paresseuse même parfois, elle fait l’objet de diverses études cherchant à comprendre pourquoi elle rencontre tant de difficultés à s’intégrer en entreprise.
Ceux qui la composent disent rechercher une mission davantage qu’un travail, un mentor plutôt qu’un chef et veulent avant tout avoir de l’impact, de l’influence dans ce qu’ils font. Quitte à prendre le risque de tout abandonner s’ils ne l’obtiennent pas.
Je ne cesse de voir mes amis démissionner, des posts surgissent tous les jours avec des histoires de personnes ayant moins de 5 ans d’expérience et souhaitant déjà devenir CEO sur Linkedin, convaincus qu’ils sont que leur insatisfaction au travail est uniquement due à un monde de l’entreprise qui ne leur permet pas de s’exprimer.
Si le mot « startup » les fait rêver reste que pour comprendre l’exode de la « génération Y » il est nécessaire de prendre en compte plusieurs aspects souvent laissés pour compte par les études faites sur le sujet.
On leur a dit qu’ils étaient spéciaux
Les nouvelles générations ont grandi en pensant qu’ils pouvaient avoir tout ce qu’ils veulent, atteindre tous les objectifs qu’ils se fixeraient.
C’est la culture de la télé, du jeu vidéo, des publicités vantant des gratifications sans fin, de la consommation comme réponse à toutes les frustrations. Ces générations ont été formatées, valorisées pour consommer toujours davantage.
Une fois arrivés dans l’entreprise, la stimulation à laquelle ils ont été habitués disparaît. Ils se rendent très vite compte qu’ils ne sont pas si spéciaux, qu’il est difficile de se voir valorisé pour ce que l’on fait. On leur demande de réaliser des choses pas toujours intéressantes, souvent rébarbatives, peu stimulantes mentalement et les promotions demandent du temps. Très loin du potentiel qu’ils avaient envisagé pour eux-mêmes.
Les réseaux sociaux et la culture de l’insuffisance
Les « millennials » sont aussi les premières générations à avoir grandi avec les réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux c’est la culture des filtres sur la réalité, qu’on ajoute et magnifient les images. Mais surtout les filtres de la production et de la sélection des photos que l’on poste et qui permettent de créer une distorsion positive sur l’histoire que l’on souhaite raconter de soi même.
Ainsi, bloggers, marques et influenceurs en tous genres sont passés maîtres dans le storytelling de soi. Vantant le caractère privilégié de leur existence, ultra busy, ultra intéressante. Souhaitant à tout prix inspirer et motiver ceux qui les suivent à devenir de meilleures personnes.
Avec ces fausses bonnes intentions, ils ont frustré des générations entières, convaincues de leur insuffisance et prêtes à tout pour ne pas s’accommoder, ne pas se satisfaire, et tant pis si elles vivent désormais dans la comparaison constante. Devenues incapables d’apprécier ce qu’elles possèdent. L’entreprenariat représentant souvent pour eux la Rolex de Jacques Seguéla, 25 ans plus tôt.
Le smartphone: notre dealer quotidien de dopamine
Les réseaux sociaux en général et notre smartphone en particulier produisent en nous au quotidien des quantités sans précédent de dopamine. Chaque notification, message et alerte provoquent, en effet, une montée de cette substance que nous produisons également lorsque nous fumons, nous buvons où nous jouons et qui rend complètement « accro ».
Le souci c’est que cette drogue a ruiné notre capacité de concentration. Toujours à l’affût d’un sms, d’un mail, d’une notification en tout genre, nous n’hésitons plus à interrompre une conversation IRL (in real life) pour checker une quelconque newsletter qui vient de tomber. La dopamine de la distraction permanente rendant tout le reste moins attractif et l’entreprise en premier lieu.
L’Impatience: ou l’ère de la gratification instantanée
Vous souhaitez acheter un produit, Amazon vous livre le jour-même. Vous souhaitez voir une série, connectez vous sur Netflix. Vous voulez rencontrer quelqu’un? Plus besoin d’apprendre à se tenir, gérer le stress des premières conversations, de la séduction. Swipez à droite sur Tinder et basta!
La gratification ne peut plus attendre. Tout ce que l’on souhaite est devenu à accès instantané. Tout, hormis la satisfaction au travail ou dans une quelconque relation humaine. Il n’y a pas d’application pour cela. C’est lent, inconfortable et compliqué.
La maîtrise, la confiance, les compétences prennent du temps. Cette génération a besoin d’apprendre la patience, elle a souvent l’obsession d’arriver au sommet de la montagne mais sans la patience de la gravir.
Créer sa startup: la nouvelle utopie économique et sociale de notre temps
La génération Y c’est aussi celle de l’idéologie entrepreneuriale. On lui a vanté la startup comme la finalité de sa réalisation personnelle. On lui a bourré le mou d’exemples illusoires de jeunes à peine sortis d’école, ayant une « idée », s’entourant de codeurs et levant des millions. Puis devenus maîtres de leur vie, changeant le sort de la planète et surtout devenant milliardaires du jour au lendemain.
Alors forcément, rester en entreprise à attendre son évolution pendant qu’il semblerait que tous les jeunes de son âge soient en train de « changer le monde » tels des nouveaux Zuckerberg, ça frustre.
Les « millennials » vivent en entreprise souvent dans une transition espérée avant l’avènement de ce « nouveau monde », sans connaître la réalité très glaciale de l’entreprenariat, dans laquelle la plupart des start-up échouent rapidement, où le régime de la précarité prévaut et ou la pression horaire est exercée par le fait de l’obligation rapide de résultats.
L’entreprise pas adaptée au monde d’aujourd’hui
La génération Y démissionne c’est aussi à cause de l’entreprise.
Pensée pour le passé, elle propose aujourd’hui encore trop de tâches rébarbatives, ne souhaitant pas entendre les recommandations des jeunes générations qui pourraient pourtant faciliter leur transition digitale.
Les conditions de travail ne sont plus adaptées elles non plus aux réalités d’aujourd’hui.
On se lève à 7h du mat, on s’inflige une heure de transports pour aller faire des choses (mails, confcalls) que l’on pourrait faire à distance avec beaucoup plus d’efficacité.
Enfin, le manque criant de bons leaders, capables de faire grandir cette génération Y en entreprise, est affligeant. On a créé des rangs de petits chefs, juste bons à fliquer, à re-fowarder la pression lorsque ça va mal et à ramasser les éloges dans les moments de gloire.
On a des générations entières de jeunes souhaitant plus que tout s’investir dans une entreprise, dans une mission collective, mais dont l’organisation que l’on fait de leur travail les bride, les démotive et les pousse vers la sortie sans qu’ils en comprennent les raisons.
En bref:
On a beau blâmer cette génération, elle est le fruit de son époque. La génération Y continuera de démissionner tant que l’on sera incapable de faire le bon diagnostic et réorganiser le travail de façon à s’adapter aux modes de vies d’aujourd’hui.
Si créer sa propre « start–up » les fait rêver, tant ils sont abreuvés d’exemples illusoires, il semble urgent qu’ils comprennent que l’entreprenariat ne résorbera pas toutes leurs frustrations et en créera même bien d’autres.
Le monde de l’entreprise lui a un vrai rôle à jouer pour retenir ces « millennials » et faire aboutir leur potentiel. Et pour cela, l’émergence de bons leaders est indispensable et ça passe forcément par « l’incentive », la formation et une nouvelle culture d’entreprise.
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